L'objectif de ces lettres ouvertes est de pouvoir faire comprendre à nos proches (vous qui nous lisez) ce par quoi nous passons lorsque nous vivons un parcours PMA (les épreuves, nos émotions, nos attitudes rationnelles et parfois irrationnelles aussi...).
C'est aussi vous faire passer un message avec toute notre bienveillance pour vous "aider" à savoir comment se comporter avec nous, pour vous "aider" à comprendre comment adapter vos mots face à nous, pour vous "expliquer" comment nous soutenir quand nous en avons besoin.
Ces lettres ont été rédigées par des femmes en parcours PMA dont chaque histoire est unique et révèle des maux qu'elles ont exprimé par leurs propres mots. Toutes ces lettres sont dictées par l'amour. Elles reflètent la réalité de nos vies, soyez indulgents, nous vous livrons une partie de nos âmes dans l'espoir de lever certains tabous et de libérer nos paroles communes.
Il m'aura fallu quelques semaines de réflexion avant de pouvoir écrire cette lettre...
mais il est temps "de panser mes maux"... cette expression devient de plus en plus concrète pour moi, car mes maux me font de plus en plus souffrir.
Depuis quelques années, ce qui devait être notre plus beau projet est devenu aujourd'hui notre combat le plus dur...
Un combat, le terme est fort mais tellement vrai.
Je me rappelle de ce jour où j'ai appris ma première grossesse. Les larmes de joies ont coulé sur mes joues et j'ai directement pensé à la manière dont j’allais l'annoncer à mon chéri... Je ne me suis jamais sentie aussi heureuse de toute ma vie, aussi épanouie, aussi belle et aussi entière...
L'annonce a rapidement été faite à nos proches, notre insouciance et notre enthousiasme nous guidaient encore à ce moment-là. Le bonheur dans vos yeux, je ne l'oublierai jamais…
Mais la chute a été brutale.
Une première fausse couche qu'il a fallu vous annoncer. La tristesse a remplacé le bonheur dans vos yeux... Mon premier coup de poignard dans le ventre et dans le cœur... depuis ce jour-là ma vision de la vie à totalement changé. Grossesse extra-utérine et nouvelle fausse couche se sont par la suite enchainées.
J'apprenais à faire face à la douleur mais pas n'importe quelle douleur. Cette douleur qui nous prend les tripes, le cœur et le corps.
Nous vous informions de chaque déception, de chaque échec, de chaque deuil, car votre soutien est devenu notre force.
Nous voilà dirigés vers une batterie d'examens, je vous passe les détails de la délicatesse de certaines personnes du corps médical, de l'intrusion et de la douleur des examens.
Les résultats tombent, nous ne pourrons pas avoir d'enfant naturellement. Pour ma part, le ciel m'est tombé sur la tête. J'ai mis longtemps à faire le deuil de ce bébé conçu naturellement que j'avais tant imaginé durant toutes ces années.
S’il vous plait, ne me dites pas que le principal est d’arriver à avoir un bébé. Bien sûr, c’est évident, mais si vous n’êtes pas passé-e-s par là, vous ne pouvez pas imaginer la déception que cette annonce engendre dans la vie d’une femme.
Ce jour-là j’ai perdu une partie de mes rêves.
Ce jour-là, j’ai compris que je ne pourrais jamais vivre une grossesse simple et avec légèreté. J’ai compris que je ne pourrais pas annoncer ce bébé tant attendu de manière joviale et détendue à mon mari mais également à vous, nos proches. Ce jour-là, j’ai compris que ma grossesse serait source d’angoisses et de peurs. Alors oui, pour moi cette annonce a chamboulé ma vie et la vision que j’en avais.
Et puis, il y a eu cette phrase « Bienvenue dans le monde des FIVETTES ». Moi une FIVETTE ? Déjà ? Pas de stimulation ? Pas d’insémination ? NON, directement l’étape FIV. Bizarrement pour ça non plus je n’étais pas prête.
C’est à ce moment-là que l’on comprend à quel point ce sujet reste inconnu lorsque les couples n’y sont pas confrontés.
Voilà, comment nous sommes entrés dans le monde de la PMA, monde dans lequel se faire comprendre et être compris est un exercice de tous les jours.
Nous avons décidé de tout partager avec vous, nos proches. C’était notre souhait. Pas de tabou, pas de honte. Nous ne savions pas réellement dans quoi nous nous lancions. Nous avons appris sur le tas, au fil des mois, des étapes, des réussites mais aussi des échecs et des déceptions.
Malheureusement, il n’y a pas de notice pour nous expliquer ce qui nous attend, pour nous préparer physiquement mais aussi psychologiquement à vivre tout ça.
C’est pour cela que nous avons décidé d’en parler.
C’était donc notre choix et nous avons rapidement compris que ce choix allait ouvrir la porte aux questions et aux conseils plus ou moins maladroits. À ma grande surprise, nous avons fait face à quelques jugements qui restent minimes, mais qui m’ont tout de même blessé.
Dans cette lettre je tenais à expliquer à mon entourage les raisons pour lesquelles notre aventure PMA n’est pas restée secrète. Ce n’est que mon point de vue et en aucun cas un jugement de ma part pour les couples qui ne souhaitent pas dévoiler leur parcours.
Pour certaines personnes parler du parcours PMA, c’est dévoiler leur intimité. Mais de quelle intimité parle-t-on ? Car à notre stade l’intimité pour concevoir un bébé est bien loin. Nous ne vous confions pas notre vie sexuelle en vous avouant que nous avons des difficultés pour concevoir notre bébé. En revanche, pour nous, en parler nous soulage du poids que la société inflige sur les jeunes couples mariés ou non, arrivant à la trentaine.
Sachez que ce n’est pas évident pour nous de vous dévoiler une faiblesse qui nous fait souffrir mais cela vous évitera peut-être de dire certaines réflexions qui pourraient par la suite nous fâcher.
Et quand bien même, où est le mal de dire que la médecine nous permettra peut-être de devenir parents un jour ? Finalement, la seule question à poser aux personnes qui ne comprennent pas pourquoi nous en parlons c’est : pourquoi le fait de parler librement de ce sujet vous incombe ? Car c’est une faiblesse et que dans notre société on ne parle pas de ce qui fait mal ? Ou peut-être parce que cela touche la sexualité, d’une certaine manière ? Ou parce que le projet de faire un enfant est un projet qu’habituellement on n’étale pas au monde entier ?
Effectivement, vous avez raison, cette décision a été prise dans l’intimité de notre couple. Mais si aujourd’hui nous en parlons c’est parce que ce n’est plus seulement des parties de jambes en l’air en attendant notre tour. Cela fait des années que ce futur bébé est devenu notre combat. Si nous n’en parlons pas, alors comment notre société peut s’adapter, comment les gens qui sont novices sur le sujet peuvent accompagner leurs proches qui vivent un tel parcours et comment les couples qui se retrouvent confrontés à la PMA peuvent s’y préparer et trouver la force ? Et surtout, comment peut-on accueillir un bébé sereinement, si nous avons honte du parcours que nous avons suivi pour qu’il puisse être parmi nous un jour ? C’est pour toutes ces raisons que nous avons décidé de ne pas vivre l’aventure PMA dans le secret.
Nous avançons petit à petit dans un monde "maitrisé" par la médecine mais qui garde à ce jour une part d’incertitude, car il n’y a aucune certitude à ce qu’un jour nous devenions parents.
D’ailleurs les phrases telles que « ça marchera la prochaine fois » commencent à diminuer, car vous comprenez vous aussi que finalement la médecine ne contrôlera pas tout.
L’espoir et la patience sont devenus nos plus fidèles compagnons, pour notre couple mais aussi pour vous, nos proches qui nous soutiennent chaque jour.
Votre bienveillance vaut de l’or et nous ne vous le disons pas assez souvent.
Au quotidien, nous ne savons pas toujours quoi vous dire et nous ne savons pas non plus comment vous rassurer, vous qui êtes si inquiets de nous voir tant souffrir. C'est tout simplement car nous même, nous ne savons pas quoi dire, comment tenir et comment reprendre des forces pour aller de l’avant.
Si nous ne parlons pas et que nous ne sourions pas, c'est simplement que nous sommes tristes, épuisés par les traitements, par le rythme du protocole et que nos émotions nous submergent.
Laissez-nous le temps de digérer tout ce que nous vivons au quotidien. Vos questions sont évidements les bienvenues mais écoutez nos réponses, s’il vous plait, cela nous évitera de répéter quatre fois la même chose, si difficile à dire.
Nous avons conscience que tout ce nouveau langage est complexe pour vous et que nos comportements peuvent parfois vous interroger, vous mettre mal à l’aise et vous inquiéter.
Demandez-nous simplement si aujourd’hui nous pouvons discuter de ce qui ne va pas ou s‘ il est préférable d’attendre quelques jours.
Ne soyez pas trop intrusifs dans vos questions car la médecine l'est déjà beaucoup dans notre couple. Par exemple, si l’on ne vous dit pas de nous-même le nombre d’embryon transféré ou encore le jour du transfert, c’est tout simplement que nous souhaitons garder ces détails pour nous.
Nous savons à quel point il peut être difficile de nous suivre, avec nos humeurs et nos envies qui changent chaque jour, mais la communication est la seule solution que nous pouvons vous proposer. Nous vous le ferons comprendre si ce n’est pas le bon moment. Ne vous vexez pas, cela n’a rien à voir avec vous.
Nous sommes dans un âge où nos ami-e-s fondent leur propre famille, notre silence et notre éventuel éloignement, nous permettent de nous protéger face à certaines situations qui sont difficiles à gérer pour nous. Mais encore une fois, cela n’a rien à voir avec vous personnellement.
Sachez que nous faisons notre maximum pour nous réjouir, à notre manière, à chacune de vos annonces de grossesse. Notre réaction n’est pas celle que vous attendiez ? C’est peut-être que votre annonce tombe sur un mauvais jour.
Sachez que nous sommes heureux pour vous mais que parfois la souffrance bloque nos émotions.
J’ai mis du temps à comprendre que ce n'était finalement pas la jalousie que je pouvais ressentir vis-à-vis de vous, mes amies au gros bidou. Pour moi ce sentiment de jalousie était inconcevable.
C’est plutôt un sentiment nouveau que j’apprivoise petit à petit. Face à vos annonces, mon esprit se met en mode automatique pour me protéger tout simplement. Cela n’enlève en rien ma joie pour vous, je l’ai enfin compris et c’est pour moi une immense victoire.
À toi, mon amie qui porte la vie, n’oublie jamais lorsque l’on discute, que je rêve de ce ventre rond qui te donne si mal au dos, que je rêve de ressentir la fatigue de la grossesse et non pas des traitements hormonaux, que je rêve des nausées provoquées par bébé et non des nausées qui découlent des médicaments, et tu verras, tu n’emploieras pas les mêmes mots.
Bien évidemment, je ne t’interdis pas de râler devant moi sur cette grossesse qui t’épuise et sur tes enfants qui t’empêchent de dormir et qui ont bousculé ton rythme de vie, car je le ferais certainement aussi un jour. Je te demande simplement de le faire en ayant conscience qu’en face de toi, tu m’as moi, qui rêve de devenir maman et qui a peut-être essuyé ses larmes avant de venir te voir.
T’écouter est pour moi difficile mais dans l’amitié comme dans l’amour il est parfois nécessaire de faire des efforts. Je serais donc une épaule et un soutien si tu as besoin de moi pour affronter tes coups durs de maman mais j’attends de toi que tu sois aussi une oreille, sans jugement et sans conseil, pour tout simplement m’écouter me plaindre quand le protocole devient trop dur à supporter.
Heureusement, vous êtes quelques-unes à l’avoir compris. Alors à vous, je voulais vous dire MERCI pour votre bienveillance à mon égard et pardonnez-moi si par moment je m’absente, c’est pour mieux revenir…
À vous, nos proches, j’aimerais vous dire que si vous ne trouvez pas les mots, ce n'est pas grave, les mots sont si durs à trouver. Mais, un simple sourire, une attention, un « courage » ou un câlin de votre part, nous réconforte et valent bien plus que certains mots. Votre place est loin d'être la plus confortable, car ne rien pouvoir faire vous rends triste, mais sachez que notre combat est aussi le vôtre en un sens.
Pour finir, à toi mon mari, si patient, si soutenant. Nous sommes souvent prisonniers de cette routine qu’engendre la FIV sur notre quotidien que j’en oublie de te dire à quel point je te suis reconnaissante.
Ma souffrance et mes coups de mou m’aveuglent parfois sur ton mal être à toi et je m’en excuse.
Je me trouve égoïste par moment car je subis les piqures, les traitements à prendre, les changements hormonaux, les examens mais finalement ta place n’est simple non plus. Qu’est-ce qu’il y a de pire pour un homme que de voir sa femme souffrir et pleurer de tristesse sans ne rien pouvoir faire ? En tout cas, moi à ta place je me sentirais impuissante et cela me rongerais de l’intérieur, quels mots employer, quels gestes faire ou ne pas faire, quels conseils donner ?
Toutes ces questions tu dois te les poser quotidiennement et en fonction de mes humeurs, la réponse doit fluctuer. Sache que n’importe quelle attention tu me porteras, me donneras du baume au cœur, car c’est toi. Personne d’autre que toi ne pourra me redonner le sourire et la force dont j’ai besoin.
Je veux que tu saches que je suis également là pour apaiser tes souffrances qui deviennent parfois trop compliquées à porter.
N’aie pas peur de me dire que ça ne va pas car tu as toi aussi le droit de crier ta douleur, d’être triste de ne pas avoir de bébé, et d’exprimer ton ras le bol face à ces traitements et ces rendez-vous qui n’en finissent pas.
À toi, mon mari, tu es la force qui me ferait gravir des montagnes pour atteindre notre but. On dit bien qu’un parcours PMA met le couple à rude épreuve. Moi, je ne pourrais pas tenir dans ce parcours sans l’homme que tu es et qui me soutien chaque jour.
À toi, qui aura mon plus grand des mercis.
Alexia.
Tellement poignant..tu as si bien décrit ce combat. Je te souhaite de tout coeur de gagner cette bataille..